Malika est le personnage principal du documentaire "143, Rue Du Désert" de Hassen Ferhani, sorti en 2019. En plein désert algérien, dans sa buvette, une femme écrit son histoire. Elle accueille, pour une cigarette, un café ou des oeufs, des routiers, des êtres en errances et des rêves… Elle s’appelle Malika.
Seule dans une petite maison blanche au bord de la route nationale 1, la Transsaharienne, qui relie Alger à Tamanrasset en traversant l’immensité du désert, Malika, 74 ans, a ouvert un jour sa porte au réalisateur Hassen Ferhani, venu là en repérage avec son ami Chawki Amari, journaliste à El Watan et auteur du récit Nationale 1 qui relate son périple sur cet axe nord-sud de plus de 2000 kms. La Malika du roman d’Amari, que Ferhani avoue avoir d’abord perçue comme un « fantasme littéraire », prend tout à coup une épaisseur humaine insoupçonnée dans cet environnement naturellement hostile à l’homme. Elle se prête au projet du film comme elle accueille ses clients, avec une économie de gestes et de paroles qui lui donne un peu l’apparence d’un sphynx, impression renforcée par le mystère qui l’entoure et les rares éléments de sa biographie qui suggèrent qu’elle n’est pas originaire de la région, qu’elle a quitté le nord fertile de l’Algérie pour s’installer dans le désert où elle vit avec un chien et un chat.
Ferhani, accompagné d’un ingénieur du son, occupe les 20m2 de la maison et filme les murs de torchis, les fauteuils de jardin, le grand frigo et le stock de canettes, la petite table recouverte d’une nappe à fleurs sur laquelle s’accoude Malika et le ou la cliente du moment, qu’elle ausculte du regard et qu’elle caractérisera en deux phrases sans équivoque après son départ. Malgré le côté extrêmement dépouillé et rudimentaire du lieu, toute la société algérienne s’y arrête, routiers principalement mais aussi militaires, religieux, touristes, comme cette femme à moto venue de la lointaine Pologne. Aux scènes captées sur le vif s’ajoutent quelques belles fantaisies de mise en scène, parfois suggérées par Malika, comme la scène de son réveil dans les dunes. Car, si la caméra ne fait que de brèves incursions sur la route balayée par les vents et sur le passage régulier des camions chargés de marchandises, ce hors-champ que l’on devine nourri des mille et une histoires du désert vient puissamment irriguer la vraie vie rêvée de Malika, héroïne de roman et de cinéma.