Né vers 1855, quand il aborda le cinéma dans Germinal en 1913, Albert Bras avait déjà parcouru toute une carrière sur les scènes du Boulevard (Porte Saint-Martin, Gymnase, Vaudeville notamment) et il était à l'âge de jouer les pères. Albert Capellani lui fit incarner un très digne Hennebeau, directeur de la mine, barbon un peu solennel dans le drame qui se joue, mais sans démonstrations superflues. Albert Bras allait persévérer à l'écran durant près de vingt ans dans cet emploi, avec une indéniable et majestueuse autorité, campant des personnages diversement sympathiques mais puissants, Sir Tyrrel dans Les Enfants d'Édouard, un amiral, le comte de Boissière dans La Goualeuse de 1914, le père du jeune héros Jean Brassier dans la première version des Grands, le comte de La Boulaye dans La Nouvelle Aurore, le sultan Mahmoud dans La Sultane de l'amour en 1919. Ce film fit beaucoup pour la notoriété d'Albert Bras. Le cinéma évoluait, mais lui demeurait, toujours prestigieux sous une crinière de plus en plus blanche, avec sa carrure et sa hauteur de vue. Roi Marc dans Tristan et Yseult, général Malet dans L'Aiglonne, constable dans Kean, Albert Bras ne descendait pas plus bas dans l'échelle sociale de ses personnages, mais il restait voué à des rôles secondaires voire épisodiques. À la fin du muet, dans Au Bonheur des dames, Julien Duvivier lui fit jouer Jouve, le bras droit d'Octave Mouret ; belle prestance et visage ouvert, Bras sut encore une fois ne pas forcer la note. Quand le cinéma prit la parole, son âge ne lui permettait déjà plus d'aller très loin à l'écran. On revit Albert Bras dans un personnage fugace de La Fin du monde (Gance 1930), il fut encore dans Vampyr (Dreyer 1931) un vieux serviteur à calotte noire aux prises avec le cauchemar. Puis sa trace s'effaça.